Lait à l'herbe, le modèle néo-zélandais« Je recherche une production intensive de lait à l’hectare »

François Blot,en EARL à Pré-en-Pail (Mayenne), possède
180 vaches, à 5 500 litres de moyenne (80 normandes, 60 kiwis et 40 holsteins) :
100 % de ses 107 ha de SAU sont de l'herbe, dont 75 ha accessibles.
François Blot,en EARL à Pré-en-Pail (Mayenne), possède 180 vaches, à 5 500 litres de moyenne (80 normandes, 60 kiwis et 40 holsteins) : 100 % de ses 107 ha de SAU sont de l'herbe, dont 75 ha accessibles. (© F.Blot )

Dans le cadre d’un système 100 % herbager, la conduite du pâturage tournant dynamique s’inscrit chez François Blot dans une logique de chargement élevé, nécessaire pour préserver la fertilité des sols et maximiser le lait à l’hectare.

Installé il y a dix ans à Pré-en-Pail (Mayenne), François Blot a totalement bouleversé son système de production à la suite du départ de trois associés. Seul sur la ferme, le jeune éleveur a opté pour la bio (certifié depuis 2018), un assolement 100 % herbager, la conversion progressive du troupeau mixte normand et holstein en race kiwi et la mise en place du pâturage tournant dynamique (PTD) pour lequel il est accompagné depuis quatre ans par un conseiller de la société PâtureSens. « J’ai fait ce choix pour des questions de temps de travail et je ne reviendrai pas en arrière. Aujourd’hui, avec deux salariés à temps plein, nous avons un rythme de 35 heures hebdomadaires et je dégage un EBE compris entre 2 000 et 2 200 €/ha. »

Tout d’abord, précisons qu’à la différence du système néo-zélandais François a conservé deux périodes de vêlage, l’une en sortie d’hiver et la seconde à l’automne, et donc deux périodes de mise à la reproduction en mai-juin et décembre-janvier. Les 180 vaches du troupeau disposent d’une surface en herbe accessible de 74 ha, soit jusqu’à 40 ares/vache. Ce sont principalement des prairies semées à base de RGA/TB (+ un peu de plantain sur les parcelles exposées au sud) dont la vocation est qu’elles se naturalisent. Elles sont divisées en 35 paddocks de 2 à 2,2 ha.

Un chargement vertueux de 2 UGB/ha

Mesures de l’herbe, planning de pâturage toutes les semaines, on est ici loin de l’image d’une conduite herbagère extensive. Car le PTD ne s’improvise pas. C’est une conduite très technique, intensive même. « Dans ce système, pour valoriser des volumes de 9 à 10 tonnes de MS d’herbe/ha, la pluviométrie est bien sûr déterminante, mais aussi l’azote. C’est pourquoi il ne faut pas sous-estimer le chargement. Avec 2 UGB par hectare au pâturage, je vise l’équilibre du bilan Corpen, c’est-à-dire un chargement vertueux qui doit assurer le maintien de la fertilité des sols, soit la restitution de 170 UN/hectare. »

1 500 kg d’herbe à valoriser à chaque passage

La mise à l’herbe démarre à partir du 1er février, en même temps que les premiers vêlages. Objectif : deux passages sur chaque paddock avant le 1er avril. Il s’agit de bien raser et de créer un décalage de hauteur d’herbe, pour tourner ensuite sur une herbe de qualité.

Tous les lundis au moins, l’éleveur réalise des mesures de densité d’herbe à l’herbomètre, à partir desquelles il établit un planning de pâturage prévisionnel pour la semaine. Ces mesures sont associées à des stades d’entrée et de sortie des animaux dans les paddocks ; on ne parle plus de hauteur d’herbe en centimètre, mais de densité : entrée à 3 000 kgMS/ha, sortie à 1 500 kgMS, « c’est-à-dire 1 500 kgMS/ha à aller chercher à chaque passage ». L’herbomètre sert aussi à évaluer la réalité de la pousse sur la ferme pour savoir s’il faut débrayer des paddocks pour la fauche ou compléter à l’auge en fonction des saisons.

Dès que la pousse dépasse 50 kgMS/ha/jour, le volume d’herbe devient supérieur aux besoins du troupeau.

© J. Pezon - Contrairement au passage du broyeur en cours de saison qui engendre une putréfaction rapide des résidus pouvant répugner les animaux, les résidus de fauche sont facilement consommés.

Le 15-20 mai, période clé de l’épiaison

Les laitières tournent alors quotidiennement sur 20 paddocks (25 ares/vache). Une quinzaine sont donc débrayés pour la fauche. Là encore, l’herbomètre a son utilité : la fauche est déclenchée à 3 500 kg de MS/ha, ou 2 tonnes de MS/ha [NDLR : 3 500 kg – 1 500 kg]. À ce stade, le paddock est enrubanné. « Au-dessus de 2,5 t/ha, il est plus rentable de faire un silo, estime François. L’enjeu est de récolter une herbe de qualité suffisante pour remplacer le soja. Sur des parcelles déprimées en premier cycle, j’ai pu sortir du fourrage dosant 1 UFL et jusqu’à 22 % de MAT. »

Au printemps, les multipares ont 1 kg de concentré jusqu’à l’insémination et les primipares 2 à 2,5 kg/jour (vêlage 23 mois) : un mélange de matière première dosant 14 % de MAT, pour une production moyenne de 25 litres de lait/vache/j. Le 15-20 mai est la période clé de l’épiaison : « C’est là que tout se joue ! C’est le moment où l’herbe commence à durcir et est donc moins bien consommée. » François n’hésite pas à recouper les paddocks pour obliger le troupeau à bien raser. « L’enjeu est d’aller chercher l’épi qui se trouve à 4-5 cm dans la gaine. Il faut aller l’observer, avec l’expérience on le voit à l’œil. Ça, c’est pour la théorie. Dans la pratique, il est parfois difficile de faire raser, c’est pourquoi j’ai recours au topping (voir encadré). »  Sur le planning de pâturage, François coche les paddocks où il n’y a plus d’épis. Dès lors, il est possible de laisser pousser cette herbe feuillue pour faire du stock sur pied dans des paddocks qui sont réintégrés dans le cycle de pâturage afin de prolonger l’alimentation à l’herbe en été.

Une alimentation tout herbe du 10 mars au 15 août

Autour du 1er juin, fini le débrayage. Les 35 paddocks sont pâturés. En juillet-août, lorsque la pousse est ralentie ou à l’arrêt, 50 % du troupeau est tari, 90 vaches qui valorisent des parcelles non accessibles ou du stock sur pied. Les paddocks pour les laitières sont divisés en deux, avec des temps de repos de soixante à soixante-dix jours nécessaires pour retrouver des pieds de graminées au stade 3 feuilles en fin d’été et ainsi préserver la flore. « Faire tous les vêlages au printemps impliquerait de compléter avec de l’enrubannage tout l’été. Or le coût de l’herbe récolté s’élève à 130 €/t contre 10 €/t au pâturage. »

En 2022, considérant un arrêt de la pousse dès le mois de juin, l’association des deux périodes de vêlage et la pratique des stocks sur pied ont permis de nourrir en pâture jusqu’au 15 août. À titre de comparaison, en 2021 elle a duré du 10 mars au 15 septembre. Si la pointe de travail est forte de février à mai, l’été avant la reprise des vêlages est en revanche une période creuse où l’éleveur et les deux salariés peuvent prendre chacun trois semaines de vacances, grâce à un bloc de traite de 2 x 24 postes qui limite l’astreinte à une heure de travail matin et soir.

9 500 litres de lait vendu par hectare d’herbe

À partir du 15 septembre, les laitières sont complémentées à l’auge avec de l’enrubannage + du concentré distribué en salle de traite pour les fraîches vêlées. Les vaches en vêlage d’automne produisent à l’herbe 17 litres/vache, donc 12 litres avec le lait des veaux, « mais dès qu’on les remet à l’herbe au printemps, elles sont capables de repartir à 25 litres ». En décembre-janvier, tout le troupeau, y compris les taries, est en bâtiment. Une nouvelle période creuse qui rend possible quelques jours de congé.

Sur ce principe, avec 30 % d’herbe récoltée et 800 kg de concentrés/vache, le troupeau affiche une moyenne de 5 500 litres de lait (50 % de normandes, 20 % de holsteins et 30 % kiwis), mais surtout de 9 500 litres de lait vendu/ha grâce à conduite rigoureuse qui permet de valoriser jusqu’à 13 tonnes de MS/ha dans des conditions de sols profonds. Techniquement, l’objectif de l’éleveur est désormais d’évoluer vers un troupeau de 200 vaches kiwis.