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Les quatre associés du Gaec des Deux Rives se réjouissent de la construction de leur nouveau site laitier, achevée juste avant la flambée des cours de l’acier et du bois. En avril 2021, ils ont mis en service la stabulation de 150 vaches (en lactation et taries), et la salle de traite 2 x 12 postes en traite par l’arrière. « L’investissement initial était déjà important : 960 000 €, indique Manuel Gavelle. Les imprévus le montent à 1,05 M€, dont 848 000 € pour le bâtiment et la fosse à lisier, et 207 000 € de salle de traite. » Il est associé avec son épouse, Patricia, et leur fils Benoît, installé en 2018, et sa sœur, Laurence Aumonier. L’investissement sera complété cette année par l’achat d’un repousse-fourrages, le renouvellement d’un groupe de fauchage et la construction d’un silo de stockage de maïs épis et de pulpe de betterave. « L’ensemble des investissements et les charges liées à l’agrandissement du troupeau se montent à 1,30 M€, soit 87 200 € d’annuités (62 €/1 000 l) sur au moins dix ans. Cela oblige à une grande maîtrise technico-économique », avancent Patricia et Laurence. Elles sont toutes les deux à mi-temps, tandis que Manuel et Benoît sont à temps plein. Le Gaec prévoit 85 000 € de subventions et autofinance 200 000 €. « Nous investissons 1 € pour produire 1 litre », résume Benoît.
« Nous passons pour l’instant au travers de la flambée du coût des matières premières »
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L’exploitation passe également entre les gouttes de la hausse du prix des intrants. Grâce à la consultation régulière des cotations, elle a contractualisé à 280 € la tonne de tourteau de colza et à 270 € celle de l’azote liquide. « Nous sommes couverts pour un an », indique Benoît Gavelle, qui suit les cours des intrants. Parallèlement, il a contractualisé, pour l’instant, un quart de la récolte de blé 2022 à 228 € la tonne, contre environ 200 € en 2021 et 177 € en 2020. Les associés cultivent tous les ans 60 à 70 ha de céréales.
La dernière bonne nouvelle concerne le chiffre d’affaires laitier. Grâce à la hausse du prix (lire notre Gros Plan, p. 12) et l’amélioration de la qualité, le produit lait, sur les neuf premiers mois de la campagne 2021-2022, est supérieur de 14 000 € à celui de 2020-2021… alors que 31 000 litres de moins ont été livrés. Les associés espèrent la poursuite de cette tendance haussière sur le premier semestre 2022. Lactalis et l’association d’OP Unell dont est membre le Gaec ont annoncé 378,05 €/1 000 l de prix de base en janvier et février pour le bassin parisien. « L’autonomie alimentaire que nous développons depuis quinze ans nous protège de la fluctuation des marchés des intrants et facilite les prévisions économiques pour l’atelier laitier », complète Manuel Gavelle. Les éleveurs comptent aussi sur les 100 ha de cultures, qui participent à la résilience de leur exploitation.
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L’arrivée de Benoît dans le Gaec, il y a quatre ans, en remplacement de son oncle – qui a quitté la structure en 2017 pour exploiter seul ses 70 ha – a déclenché la construction du nouveau site laitier, situé à 400 mètres de l’ancien. « J’ai pris ma décision en trois jours, mais l’envie était là depuis longtemps. Après dix ans de salariat passé essentiellement dans le secteur agricole bancaire, cette installation est un vrai changement de vie. » Ce départ-arrivée a obligé à repenser la stratégie de l’exploitation, qui jusque-là faisait vivre six personnes. Le départ d’un des deux salariés, induisant une économie de 33 600 €, ne compense pas suffisamment la baisse de la partie « plaine ».
« Traire 120 vaches dans une 2 x 7 postes ne pouvait durer »
Pour assurer les 86 400 € de rémunération des associés et les 40 000 € de charges salariales, les associés décident d’appuyer sur le champignon laitier. Leur référence confortée de 150 000 l par l’attribution JA de Lactalis, ils ont livré 1,243 Ml en 2020-2021, contre 960 000 litres en 2016-2017. « Loger et traire 120 vaches dans des équipements qui dataient des années 1980, ça ne pouvait durer, juge Benoît. Les conditions de travail n’étaient pas bonnes. Nous passions plus de sept heures par jour à traire dans la 2 x 7 postes en épi, son lavage compris. » L’étude prévisionnelle de Benoît a donc inclus le projet d’une nouvelle stabulation. « Il manquait 200 000 litres afin de rentabiliser l’investissement », intervient Stéphane Crombez, conseiller de gestion à l’AS27. Heureusement, l’opportunité de reprise d’un contrat laitier Lactalis de 250 000 litres est venue résoudre ce problème. Avec un niveau d’étable à 9 613 litres par vache présente en 2020-2021 (10 322 kg brut au contrôle laitier), 145 à 150 vaches sont nécessaires pour livrer le 1,4 million de litres prévu. « Nous aurions pu concevoir un bâtiment pour plus d’animaux mais nous aurions quitté le régime de déclaration des installations classées, qui dispense de la consultation du public. » Pour Patricia, Manuel et surtout Laurence, qui souffre d’une maladie auto-immune, ce développement n’allait pas de soi. Âgés respectivement de 57 ans, 61 ans et 54 ans, on pourrait penser qu’ils aspirent à lever le pied et préparent plutôt leur départ à la retraite. Preuve que leur vie en dehors du travail compte, ils ont spontanément mentionné leurs engagements privés lorsque nous les avons rencontrés. Et ils ont une vision commune de la ferme familiale : sa continuité. « Nous sommes la sixième génération d’éleveurs et nous en sommes fiers », confie Laurence. Après dix mois d’exercice dans le nouvel outil, tous les trois disent apprécier les conditions de travail, bien meilleures que celles du site d’origine. De quoi préserver leur santé durant les cinq à dix ans qui les séparent de leur retraite, tout comme celle de leur salarié, David Lefrançois,âgé de 51 ans.
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« Nous avons choisi la litière malaxée, qui conserve le principe de l’aire paillée mais sans la paille, disent-ils. Nous en avions assez du travail qu’elle occasionne : pressage, stockage, paillage une à deux fois par jour, curage hebdomadaire et épandage du fumier. Nous estimons à 35 000 € l’économie réalisée. » L’autre économie concerne le temps de travail. David ne consacre plus une heure chaque matin à racler au tracteur les couloirs de l’ancienne stabulation laitière (et une heure le soir pour Manuel ou Benoît)… mais une heure par semaine, pour la propreté des génisses qui y sont désormais hébergées. Le nouveau bâtiment est équipé d’un racleur.
Le miscanthus broyé est le matériau retenu pour la litière. En avril dernier, 100 t achetées pour l’année (135 €/t) ont inauguré les 990 m² de couchage. Matin et soir, David y passe un cultivateur durant dix minutes. Néanmoins, tout n’est pas encore bien calé. Le renouvellement du miscanthus début novembre n’a pas donné satisfaction, la litière malaxée étant trop humide. Il vient d’être remplacé par 30 t d’anas de lin (91 €/t).
L’automatisation de tâches liées à la traite allège également le travail. « L’aire d’attente, équipée d’une barrière poussante qui, au retour, assure le raclage, le tri des animaux en sortie de salle de traite et l’espace de contention nous font gagner du temps et soulagent notre quotidien de tâches fatigantes », souligne Patricia.
Prochaine étape : préparer le départ des associés
Grâce à cette efficacité renforcée, le Gaec escompte réduire un peu ses charges salariales. À court terme, l’objectif est triple : maintenir les performances technico-économiques de l’atelier lait (122,39 €/1 000 l de coût alimentaire et 389 jours d’IVV en 2020-2021), abaisser de trois mois l’âge au premier vêlage (27 mois en 2020-2021) afin d’élever moins de génisses, et enfin améliorer les taux. À moyen terme, les départs à la retraite de Laurence, Patricia et Manuel sont à préparer. A minima, cela passe par le souci de ne pas gonfler leur compte associé, de façon à faciliter la transmission à Benoît. Celui-ci a injecté 300 000 € de parts sociales en 2018, ce qui a permis le remboursement anticipé de 190 000 € et l’étalement d’emprunts. « Il faudra que je fasse plus appel aux ETA pour les travaux des champs et qu’il y ait au moins 2,5 UTH salariées pour gérer les astreintes, en particulier le week-end », envisage-t-il.