Après quarante ans d’élevage laitier, Frédéric Cathelin a cessé son activité agricole le 31 décembre 2020. Et le 1er janvier 2021, Denis Rigault s’est installé aux côtés de Gaby Barillet, arrivé comme salarié à la Grange Hacquet en 2015. Durant cinq années, les trois éleveurs ont œuvré dans l’objectif d’une transmission progressive hors cadre familial. « Mon épouse, Claudie, avait pris sa retraite dès 2011, indique Frédéric Cathelin. Nous produisions 520 000 litres de lait sur soixante hectares avec l’aide d’un salarié en groupement d’employeurs. Mon père a été président de la coopérative Eurial-Poitouraine, désormais dans le groupe Agrial. Je voulais que la ferme reste laitière. Mon idée était de m’associer avec quelqu’un aimant les vaches dans la perspective de transmettre. »
De son côté, Gaby Barillet a une dizaine d’années de salariat derrière lui. Fils d’éleveurs originaire de Sainte-Maure-de-Touraine, il enchaîne des remplacements dans toutes les productions après ses études agricoles. « Je voulais m’installer en vaches laitières, déclare-t-il. À 30 ans, j’étais prêt. Par le bouche-à-oreille, j’ai visité plus d’une dizaine de fermes dans lesquelles, souvent, la production laitière était déjà arrêtée. Je recherchais un élevage d’une soixantaine de vaches avec la possibilité de monter à 80. » Par le biais du groupement d’employeurs, Gaby découvre la Grange Hacquet : le cadre et le corps de ferme le séduisent. Il est intéressé aussi par les quinze hectares irrigables, un gage de sécurité pour la production de maïs. Frédéric et Gaby ne sont pas de complets inconnus l’un pour l’autre : via les connexions de voisinage, ils ont une bonne opinion réciproque.
Gaby Barillet devient donc salarié de l’EARL de la Grange Hacquet à 80 % en septembre 2015, dans l’objectif de s’installer dix-huit mois plus tard. « Nous avons rédigé un contrat comme si j’étais chef d’exploitation.Dès le début, Frédéric m’a impliqué dans les décisions. C’est important que le cédant soit prêt dans sa tête. Nous savions aussi qu’il faudrait trouver un second éleveur pour nous rejoindre quatre ans plus tard. »
Une ferme accessible financièrement
Bien que prêt, en effet, et heureux de raccrocher la cotte après une longue carrière d’éleveur, Frédéric Cathelin saisit une opportunité en 2016 qui l’aide à lâcher les rênes. Par le hasard d’une rencontre, il devient agent mandataire pour Axa Assurances, d’abord un jour et demi par semaine, puis jusqu’à trois jours. « Plutôt que de trouver un emploi complémentaire, Gaby est passé à 100 % sur la ferme et c’est moi qui allais travailler à l’extérieur. Cela m’a aidé à débrancher », reconnaît Frédéric Cathelin. En 2019, le Répertoire départ installation (RDI) d’Indre-et-Loire propose à l’EARL de réaliser et diffuser sur les réseaux sociaux un petit film dans l’objectif de recruter un second candidat à l’installation. Le projet s’accélère car Frédéric est contraint à l’arrêt maladie pour un problème d’épaule, « la maladie du trayeur ».
C’est ainsi que Denis Rigault entre en scène après avoir vu la vidéo sur Facebook. Originaire de Loire-Atlantique, il a fait le choix d’études agricoles, en se passionnant pour l’élevage auprès de son oncle. « Depuis toujours, je rêvais d’avoir ma ferme, explique-t-il. Bien que formé et salarié en production caprine, je voulais travailler avec des vaches laitières. La ferme de la Grange Hacquet était attractive par la présence d’un autre associé, l’effectif de quarante vaches par associé, et accessible financièrement. Il faut moderniser, certes, mais la priorité est d’être d’accord en matière d’état d’esprit. »
Frédéric et Gaby retiennent la candidature du jeune homme : « Il avait de l’expérience dans les vaches laitières, avait mûri son projet, et il a posé les bonnes questions : nos objectifs étaient les mêmes. » C’est ainsi que quatre ans après Gaby, Denis devient à son tour salarié sur l’exploitation avec l’objectif de s’installer dix-huit mois plus tard en Gaec.
Intensifier le système fourrager sur une surface réduite
Désormais aux manettes de l’exploitation, Gaby et Denis ont hérité d’une situation économique saine. Les deux axes d’amélioration qu’ils ont choisis sont d’optimiser le coût alimentaire, en intensifiant le système fourrager sur leur surface réduite et, à moyen terme, d’investir dans la modernisation des équipements. « Nous avons 6 hectares de prairies en accès direct et 14 ha de l’autre côté de la route, et notre priorité est de maintenir le pâturage. C’est une fierté pour nous car peu de vaches pâturent encore dans le secteur. Nous aimons les voir dehors, cela fait partie de ce qui nous a plu ici. »
En 2020, le troupeau est rentré à l’étable le 4 décembre. Il est ressorti dès le 22 février cette année. Jusqu’en juin, le pâturage des prairies ou des couverts remplace 50 % de la ration. Celle-ci est composée d’ensilage de maïs, d’ensilage de printemps, de maïs grain et de blé broyés, ainsi que de soja et minéraux. L’ensilage de printemps est réalisé en silo sandwich avec un couvert de ray-grass italien et trèfles d’une part, et un méteil protéique d’autre part. Ces deux cultures dérobées couvrent en hiver l’ensemble des terres destinées au maïs.
En test : des betteraves pâturées pour valoriser les sorties d’été
Elles visent à améliorer l’autonomie en remplaçant l’achat sur pied, ou l’échange contre fumier, de 20 ha de luzerne. « Le mélange ray-grass italien et trèfles présente l’avantage de pouvoir aussi être pâturé ou fauché à l’automne », soulignent les éleveurs. Une centaine de bottes de foin de prairies naturelles sont également achetées à l’extérieur, ou échangées contre fumier, à un céréalier.
Dans l’objectif de diminuer les apports de soja, le méteil contient 80 % de plantes légumineuses et protéagineuses (féverole, pois, vesce, trèfle) et 20 % de céréales (avoine, triticale) afin d’atteindre 150 g/kg MS de PDI au minimum. La ration d’hiver est calculée pour une production laitière de 27-28 kg par vache et par jour. Les hautes productrices reçoivent toute l’année un complément à l’auge à base de drêches de blé, luzerne déshydratée et pulpe de betterave. À l’automne, le pâturage des prairies et couverts ne remplace plus que 25 % de la ration. Et les vaches reçoivent le menu hivernal en été, tout en ayant accès à une parcelle dédiée au parcours. « Pour mieux valoriser les sorties d’été, nous testons cette année avec un groupe d’agriculteurs le pâturage de 2 ha de betteraves. Côté prairies, nous les renouvelons avec de la fétuque et du dactyle, plus résistants à la sécheresse que le ray-grass anglais. Nous choisissons des variétés tendres et appétentes. »
Gagner deux heures et demie de travail chaque jour
Le second axe d’amélioration pour les jeunes éleveurs concerne leurs conditions de travail. Ils ont déjà fait l’acquisition d’un détecteur de chaleurs qu’ils estiment largement rentabilisé.
« Nos remboursements d’emprunts seront élevés durant les dix prochaines années. Nous étudions plusieurs projets d’investissements dont l’échéance de réalisation dépendra de la conjoncture. Avec un racleur automatique et une nouvelle salle de traite, nous gagnerons deux heures et demie de travail chaque jour. Nous espérons les concrétiser le plus tôt possible. Peut-être même que nous irons vers du matériel d’occasion pour gagner du temps. » À plus long terme, Gaby et Denis aimeraient également rénover les logettes pour réduire le temps consacré au nettoyage.