LA MAUVAISE CONJONCTURE LAITIÈRE qui s'éternise met en difficulté un grand nombre d'éleveurs. Certaines exploitations nécessitent un simple coup de pouce pour rebondir au travers des dispositifs administratifs d'aides. Pour d'autres, la situation est plus fragile et suppose de réfléchir aux procédures judiciaires existantes.
L'ACCOMPAGNEMENT ADMINISTRATIF. Plan Sarkozy. Des soutiens spécifiquesmais limités
Prêt de trésorerie, de consolidation, fonds d'allégement des charges (Fac)… les mesures annoncées par Nicolas Sarkozy le 27 octobre 2009 se mettent progressivement en place. Dernière en date, le Dacs Agri (dispositif d'accompagnement spécifique agricole) dont les dossiers doivent être déposés d'ici le 30 avril. Le dispositif est ouvert à tous les producteurs, à condition de rentrer dans les critères d'éligibilité (taux endettement, revenus du ménage…). « Il s'agit en fait de procédure administrative allégée pour répondre aux conséquences directes de la crise agricole », résume Fabrice Guérin, responsable de l'Atese(1), une association d'aide aux agriculteurs en Ille-et-Vilaine. Le seul souci : les enveloppes ne sont pas suffisantes pour satisfaire toutes les demandes.
Dispositif Agridiff. Obtenir des aides
D'autres aides de l'État existent, plus connues sous le nom de dispositif Agridiff mis en place sous l'égide de la DDTM (ancienne DDAF). Il est réservé aux chefs d'exploitation à titre principal depuis au moins cinq ans.
L'exploitation doit avoir dégagé un revenu inférieur à un Smic net annuel par unité de travail non salariée, sur la moyenne des trois derniers exercices. La demande est déposée par l'exploitant auprès de la DDTM. Un expert, choisi par l'exploitant sur une liste établie par le préfet (à l'exemple de l'Atese), établit un diagnostic de l'entreprise (aide au diagnostic). « Le comité scientifique se réunit pour analyser chaque dossier, donner son avis et formuler des propositions », indique le responsable. Si cela paraît possible, un plan de redressement est élaboré. Sinon, l'agriculteur est orienté vers une cessation d'activité (aide à la reconversion professionnelle). La CDOA (Commission départementale d'orientation de l'agriculture) rend un avis sur les possibilités de redressement et l'attribution de l'aide au redressement. L'aide correspond à la prise en charge partielle de frais financiers bancaires des prêts d'exploitations hors prêts fonciers (plafond 10 000 €/unité de travail non salariée). Le préfet peut décider de la mise en place d'un suivi technico-économique sous le contrôle d'un expert pour une durée de trois ans avec une aide à la clé.
QUATRE PROCÉDURES JUDICIAIRES
Les procédures administratives et judiciaires sont complémentaires. Un agriculteur peut bénéficier du dispositif administratif tout en faisant l'objet d'une procédure judiciaire. Comme leur nom l'indique, les procédures judiciaires sont des démarches qui se font devant la justice, plus exactement devant le tribunal de grande instance dont dépend le siège de l'exploitation.
Il existe quatre possibilités : le règlement amiable judiciaire, la sauvegarde, le redressement judiciaire ou la liquidation judiciaire. Le choix de l'une ou l'autre dépend du niveau des difficultés financières de l'entreprise (état de cessation de paiement ou non) et des moyens que l'on souhaite mettre en oeuvre.
« Le règlement amiable s'apparente plutôt à de la médecine douce », estime Christian Sicard, responsable du conseil entreprise au CER 35. Elle a l'intérêt d'être souple et rapide. « Si l'exploitation connaît des difficultés en raison d'un incident ponctuel (accident du chef d'exploitation, intempéries, accident sanitaire…) pouvant conduire à la cessation de paiement, la procédure de sauvegarde est la mieux adaptée, poursuit-il. C'est une procédure récente en agriculture. Elle donne une image plus positive de l'exploitant avec quelqu'un qui sait anticiper. » En revanche, lorsque l'exploitation est en état de cessation de paiement, la procédure de redressement judiciaire s'impose : un plan d'étalement des dettes peut être établi. S'il ne peut pas aboutir, c'est la liquidation. Aucune de ces procédures n'oblige à prendre un avocat. Cependant, l'appui d'un conseil (avocat, centre de gestion, association…) est indispensable compte tenu de la complexité des démarches à entreprendre. Il permet de prendre du recul dans une situation difficile.
1. RÈGLEMENT AMIABLE : S'ACCORDER AVEC LES CRÉANCIERS
L'exploitant saisit le TGI en lui adressant un courrier (par lettre recommandée avec accusé de réception) pour demander l'ouverture d'une procédure de règlement amiable judiciaire (RAJ). Le tribunal peut prononcer la suspension provisoire des poursuites. Dans ce cas, le règlement fait l'objet d'une publicité dans des journaux d'annonces légales. Le tribunal nomme un conciliateur pour une période de quatre à six mois. Ce dernier est chargé d'élaborer, avec l'exploitant, son conseil et les principaux créanciers de l'exploitation, un plan d'apurement du passif qui permettra à l'exploitant de poursuivre son activité dans de meilleures conditions. L'élaboration de ce plan se fait dans la concertation, et non la contrainte. L'objectif est de trouver un accord amiable. L'accord ainsi obtenu profite aux cautions qui ne seront pas actionnées.
Le créancier qui n'est pas payé peut être à l'initiative de la démarche dans la mesure où il a déjà mis en oeuvre des démarches pour récupérer son dû.
2. SAUVEGARDE : ANTICIPER LES EFFETS DE DIFFICULTÉS
La demande de procédure de sauvegarde ne peut pas être prise à l'initiative d'un créancier. Le tribunal ordonne l'ouverture de la procédure, ce qui a pour effet de figer le passif antérieur à la procédure. Les créanciers ont deux mois pour déclarer leurs créances.
Il nomme un mandataire judiciaire. S'ouvre alors une période d'observation qui peut aller jusqu'à douze mois ou (particularité agricole) jusqu'à la fin de l'année culturale en cours. Durant cette période, l'objectif est de dresser un diagnostic économique et social de l'exploitation. Elle protège les cautions. « En quelque sorte, une période blanche pendant laquelle on met l'exploitant à l'abri de la pression des créanciers. » L'exploitant reste maître de sa gestion courante. Pour les actes exceptionnels (matériel, cheptel, foncier…), il doit en référer au mandataire. Ce gel momentané des dettes de l'exploitation doit permettre à l'agriculteur de se refaire une trésorerie et de présenter un plan de réorganisation financière. Le mandataire et le conseil de l'agriculteur bâtissent un plan de sauvegarde qui peut aller jusqu'à quinze ans. Ce plan définit les modalités de règlement du passif, c'est-à-dire l'étalement des dettes assorti quelques fois d'un abandon d'une partie de la créance. Certains créanciers préféreront abandonner une petite somme plutôt que de risquer de tout perdre dans le cadre d'une liquidation judiciaire
3. REDRESSEMENT : DES DIFFICULTÉS PLUS STRUCTURELLES
La procédure de redressement judiciaire (RJ) fonctionne de la même façon que la procédure de sauvegarde avec une période d'observation et un plan de redressement qui peut s'étaler sur quinze ans. Les grandes différences concernent l'état de cessation des paiements et les cautions. Pour ouvrir cette procédure, l'exploitation doit être en état de cessation de paiement, c'est-à-dire que l'actif disponible n'est plus en mesure de faire face au passif exigible. « Concrètement, on passe de difficultés conjoncturelles à des difficultés plus structurelles », analyse le conseiller. Après enquête et consultation des créanciers, le tribunal homologue un plan de redressement. Le non-respect de celui-ci entraîne l'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire.
4. LIQUIDATION JUDICIAIRE : LA DERNIÈRE SOLUTION
Au vu de l'audit de l'exploitation et des déclarations de créances, s'il est impossible de présenter un plan de continuation, le tribunal peut décider de prononcer la liquidation judiciaire de l'entreprise. Le mandataire liquidateur est chargé de réaliser les actifs du débiteur et d'apurer le passif des créanciers. Autrement dit, de vendre les actifs de l'exploitant professionnel et privé pour payer les créanciers en respectant une hiérarchie dans les garanties (créanciers privilégiés, créanciers ordinaires…). Si ce n'est pas suffisant, il fera éventuellement appel aux cautions. En pratique, le liquidateur essaie de céder l'exploitation en totalité ou par partie sans la brader. Cette dernière procédure reste l'ex il fera éventuellement appel aux cautions. En pratique, le liquidateur essaie de céder l'exploitation en totalité ou par partie sans la brader. Cette dernière procédure reste l'exception. Elle permet toutefois au débiteur de repartir à zéro sans traîner ses dettes sa vie durant.
ISABELLE LEJAS
(1) Association d'appui technique, économique et social aux exploitants.