EN POITOU-CHARENTES, la taille de plus en plus importante des exploitations laitières et la baisse du nombre d'installations obligent les éleveurs à embaucher de la main-d'oeuvre salariale. Une démarche loin d'être évidente, car devenir employeur, c'est un peu comme apprendre un nouveau métier. Pour leur venir en aide, le réseau bovins lait des chambres d'agriculture de cette région et de l'Institut de l'élevage ont publié un document intitulé Embaucher un salarié. Réalisé à partir d'une quinzaine d'enquêtes auprès d'employeurs, il rappelle les différents facteurs de réussite d'une embauche.
L'un d'eux consiste à rédiger le profil du poste du salarié, c'est-à-dire à dresser la liste des tâches que l'agriculteur souhaite déléguer et celles qu'il veut conserver.
TRANSMETTRE DES CONSIGNES CLAIRES
Cette démarche peut paraître fastidieuse et administrative, mais se révèle essentielle dans les faits. « Nous avons remarqué que les salariés avaient besoin que leur travail soit clairement défini pour trouver leur place sur une exploitation », explique Benoît Rubin, de l'Institut de l'élevage. En rédigeant un profil de poste, l'employeur va être en mesure de transmettre des consignes claires à son salarié, lui donner des objectifs à atteindre selon ses compétences et aussi l'évaluer. Par ailleurs, s'il rencontre le besoin de lui formuler des remarques, il pourra reprendre la fiche de poste et lui expliquer en quoi son travail n'est pas suffisant.
« Cela lui évitera de se trouver en face d'une personne qui ne fait pas son travail parce que l'agriculteur ne lui a pas expliqué ses tâches à réaliser. Inversement, l'employeur court moins le risque de voir son employé prendre des initiatives sans directives. »
Le document Embaucher un salarié dresse une liste de quatre profils de postes différents rencontrés sur le terrain. Ils ont été établis selon deux classements différents. Tout d'abord, selon le niveau de responsabilité du salarié, puis son degré de polyvalence.
Premier profil : Le responsable de troupeau
Son rôle est d'assurer les tâches d'astreinte de l'élevage. Il peut prendre seul les décisions concernant la conduite du troupeau. L'employeur peut donc dégager du temps en toute sérénité pour se consacrer à un autre atelier, assumer des responsabilités professionnelles ou prendre du temps libre. Ce salarié se rencontre plutôt dans des exploitations individuelles de grandes dimensions. « On distingue deux types d'employeurs. Les agriculteurs-éleveurs qui ont besoin d'une personne de confiance pour suivre le troupeau en leur absence. Et les agriculteurs avec une fibre culture qui ont besoin d'un salarié pour suivre le troupeau au quotidien. »
Deuxième profil : Le responsable polyvalent
Comparé au précédent, il effectue pratiquement tous les travaux de l'exploitation (troupeau et cultures), à l'exception des tâches administratives. Il participe aux décisions quotidiennes. En revanche, les choix stratégiques et commerciaux ne sont pas de sa compétence. Là encore, deux types d'agriculteur ont recours à ce salarié. Les chefs d'exploitation qui ont besoin d'une personne sur laquelle compter pour conduire l'exploitation, ou les Gaec souhaitant qu'un salarié assure le travail d'un associé absent ou non remplacé. « Dans ce cas, le salarié n'est pas devenu associé parce qu'il ne souhaite pas s'installer, ou les associés ne désirent pas l'intégrer dans la société. »
Troisième profil : L'ouvrier d'élevage
Il seconde l'agriculteur dans le travail d'astreinte du troupeau : alimentation, traite… Certaines tâches sont réalisées à deux, notamment la traite, tandis que d'autres lui sont totalement déléguées comme la distribution des fourrages, l'alimentation des veaux… L'agriculteur reste entièrement responsable de la conduite du troupeau. Et lorsqu'un événement anormal se produit, le salarié est tenu d'informer son employeur qui décide de la marche à suivre. « Ce salarié convient à l'éleveur qui souhaite alléger leur travail d'astreinte, tout en gardant la maîtrise complète de l'atelier. Il se dégage ainsi des tâches répétitives pour réinvestir le temps libéré dans le suivi du troupeau, voire d'autres ateliers. »
Quatrième profil : L'ouvrier polyvalent
- Il assure divers travaux sur l'exploitation, tant au niveau de l'élevage que des cultures. Il peut travailler seul ou avec l'employeur, mais ne prend pas de décisions seul. En revanche, il est capable de remplacer l'agriculteur lorsque celui-ci s'absente. On rencontre deux types d'employeurs susceptibles d'avoir recours à ce genre de main-d'oeuvre. Tout d'abord, les exploitations individuelles à la recherche d'une aide régulière et qui ont besoin de se faire remplacer. L'ouvrier devient la personne de confiance qui connaît bien l'exploitation pour assurer le travail de l'éleveur durant son absence. Ensuite, l'ouvrier polyvalent convient bien aux agriculteurs en société qui ont besoin d'un complément de main-d'oeuvre. Dans ce cas, il y a toujours quelqu'un pour seconder le salarié. « Parmi les éleveurs enquêtés, nous avons remarqué que ces salariés font rarement la traite, sauf en remplacement les week-ends et les vacances. Le fait que l'ouvrier ne prenne pas davantage d'autonomie peut venir de la volonté de l'employeur, ou du salarié qui n'a pas l'envie ou la capacité à assumer des responsabilités. Ce profil semble bien représenté en Poitou-Charentes. En tout cas, c'est celui que nous avons le plus rencontré lors de nos enquêtes. »
NICOLAS LOUIS