DIAGNOSTIQUER LES RISQUES DANS SON EXPLOITATION

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Le Cer France Adhéo va lancer un nouveau service pour aider les agriculteurs à gérer les risques qui menacent le développement et la pérennité de leur exploitation.

TOUTE ACTIVITÉ ÉCONOMIQUE EST PORTEUSE D'ALÉAS qui peuvent mettre en péril l'entreprise, son fonctionnement, sa rentabilité, son développement ou sa pérennité. Par ailleurs, bien plus que les activités industrielles ou de services (automobile, banque…), l'activité agricole doit faire face à des risques spécifiques (climat, pathologies animales…). À partir de la fin de l'année, le CER France Adhéo (Meurthe-et-Moselle et Meuse) proposera un nouveau service à ses adhérents : le diagnostic général des risques.

« L'idée est de placer cette question à l'intérieur d'une approche globale de l'exploitation, explique Pierre-Alain Roussel, chargé de mission Qualité hygiène sécurité environnement au CER. Le diagnostic se réalise en quatre étapes. Dans un premier temps, il convient de répertorier, de manière la plus exhaustive possible, tous les événements générateurs de dommages. Ensuite, il faut les évaluer et hiérarchiser la probabilité qu'ils apparaissent et leurs conséquences sur l'exploitation. Puis, il faut mettre en oeuvre des moyens d'actions. Dernière étape : le suivi des opérations. Seule une stratégie globale de gestion des risques régulièrement actualisée permet de gérer le développement de l'entreprise et d'en assurer sa pérennité. »

Six domaines sont évalués : trois concernent l'entreprise avec la production, le chef d'exploitation et le juridique. Les trois autres traitent du développement durable : économie, environnement et social.

La production. Travailler avec du vivant est bien particulier

Le process : il s'agit d'établir une liste de tout ce qui peut affecter la production et donc les ventes de l'exploitation, tant en quantité qu'en qualité. Les risques sont multiples et il paraît difficile d'en dresser ici la liste complète. Une maladie touchant le troupeau laitier peut gravement pénaliser la production, des problèmes sanitaires peuvent nuire à la qualité du lait. Il existe aussi d'autres menaces comme, par exemple, le risque incendie ou celui d'un salarié qui se trompe de produit de traitement et grille une culture. Une fois les événements inventoriés, l'agriculteur doit tenter de mettre en oeuvre des moyens d'action pour les ramener à un niveau acceptable et les rendre plus supportables pour l'exploitation. L'une des démarches à réaliser consiste à faire le point sur les contrats d'assurances et notamment le risque de destruction et perte d'exploitation.

Le climat : tempête, grêle, sécheresse… le risque est important de voir ses cultures dévastées par un incident climatique. Face à cela, l'agriculteur peut souscrire une assurance, comme un contrat grêle. Avant de s'assurer, il est vivement conseillé de calculer le coût de ces assurances au regard de la probabilité qu'un dommage ait lieu. Les intempéries survenues les années passées peuvent aider à mesurer cette probabilité. Il faut également envisager la mise en place d'une dotation pour aléas en lien avec l'assurance récolte.

Le chef d'exploitation. Avoir une stratégie et être prévoyant

La stratégie : tout chef d'exploitation doit avoir une vision stratégique de son entreprise à moyen terme. C'est-à-dire qu'il doit être en mesure de dire comment il voit sa ferme dans cinq ans : système de production, taille, diversification… Ceci, pour ne pas subir la conjoncture, la réglementation… mais au contraire être acteur du processus de décision sur son exploitation. « Ses objectifs doivent être réalistes, réalisables et me prises en accord avec ses projets personnels. » Enfin, l'agriculteur doit être attentif aux évolutions de son secteur et adapter en permanence son entreprise.

L'humain : un agriculteur seul sur son exploitation est plus exposé qu'un autre qui travaille avec plusieurs associés. Dans ce cas, l'entreprise repose entièrement sur ses épaules. Il convient donc de s'assurer que le dirigeant peut compter sur des personnes de confiance (famille, salarié, voisin…) pouvant facilement réaliser son travail. L'agriculteur doit aussi avoir organisé la prise de décision en cas d'absence. Tout comme il doit pouvoir faire face financièrement à son remplacement. Plusieurs solutions existent pour minimiser ce risque : la signature d'un contrat d'indemnités journalières pour compenser les surcoûts, l'adhésion à un service de remplacement ou être membre d'un groupement d'employeurs.

Le juridique. Envisager toutes les situations

La fiscalité et le social : le travail avec des associés impose d'être vigilant sur plusieurs points afin d'éviter tous litiges : rédaction d'un règlement intérieur, signature des procès-verbaux de chaque assemblée générale, bonne gestion des comptes associés…

Autre événement possible : le décès ou l'invalidité du chef d'exploitation qui peut avoir des conséquences très lourdes financièrement. Le remboursement des emprunts par les assurances (ADI) constitue un revenu exceptionnel imposable et soumis aux cotisations sociales. Il convient donc de s'assurer que l'exploitation est capable de faire face à ces prélèvements supplémentaires. La souscription d'une assurance risque fiscal peut être une solution pour couvrir ce surcoût lié à l'extinction de la dette.

Le patrimoine : on recomande au chef d'exploitation de protéger son patrimoine en cas de faillite. La création d'une structure sociétaire permet de différencier le patrimoine privé du professionnel. Le choix du régime matrimonial a également son importance en cas de dépôt de bilan.

Le fermage : l'agriculteur doit se prémunir contre la résiliation de son bail principal à cause du non-respect du statut du fermage. Par exemple, il ne doit pas pratiquer la sous-location de terres dont il n'est pas propriétaire.

L'économie et les finances. Calculer son coût de production

L'économie : « Les TPE (très petites entreprises) connaissent rarement leurs coûts de production. L'une des premières recommandations faites à l'agriculteur est de calculer le prix de revient de chacune de ses productions. » Il pourra alors se comparer à des moyennes et se situer. Lorsque son coût de production est supérieur au prix du marché, il convient de recenser les marges de manoeuvre qui existent pour faire baisser ce coût.

La trésorerie : les placements de l'exploitant sont à inventorier : assurances vie, placements boursiers mais aussi les investissements immobiliers. Face à la crise laitière actuelle, il est important de savoir combien de temps l'exploitation est capable de faire face à une baisse durable du prix du lait. Et de s'assurer que les placements de trésorerie sont effectués sur des supports bancaires adaptés : liquidité, risques… Enfin, on recommande de bien différencier les flux financiers professionnels des privés pour permettre une gestion efficace de la trésorerie.

Le commercial : un agriculteur peut rencontrer des difficultés momentanées pour vendre sa production. Il peut aussi faire face à un créancier insolvable. Il convient donc de bien mesurer tous ces risques. Dans le futur, la contractualisation pourra clarifier les relations entre l'exploitation et sa laiterie.

L'environnement. Maîtriser l'impact de son activité sur le milieu

La réglementation : les contraintes environnementales sont nombreuses et leur non-respect peut avoir un impact direct sur le revenu depuis la mise en place de la conditionnalité des aides Pac. Tout agriculteur doit connaître les obligations qui lui incombent et tenir à jour certains documents (carnet phytosanitaire, carnet sanitaire…). L'exploitation doit également posséder plusieurs équipements (local à phytos ou armoire à pharmacie…) afin d'être conforme aux exigences réglementaires.

La pollution : un certain nombre de mesures sont à mettre en place pour réduire les risques de pollution de l'environnement, notamment l'élimination des déchets. Par exemple, les pneus doivent partir dans une filière de recyclage spécifique. Quant aux produits phytosanitaires, ils sont à stocker dans un local répondant aux exigences en vigueur (fermé à clé, isolé et aéré) et équipé d'un système de rétention « La cuve de carburant et celle de stockage de l'azote liquide doivent aussi être équipées d'un système de rétention étanche. »

Le salariat. Être vigilant à sa sécurité et son bien-être

La réglementation Le risque est d'autant plus important qu'un salarié est présent sur l'exploitation. Beaucoup d'agriculteurs ne sont pas en règle avec la réglementation, qui exige la mise en oeuvre d'un document unique d'évaluation des risques professionnels. Il s'agit d'identifier et de classer les risques encourus par le salarié (conduite du télescopique, contention des animaux, chutes…) et de mettre en place des actions de prévention. De plus, l'employeur a l'obligation d'afficher un certain nombre d'informations, comme les heures auxquelles commence et se termine le travail, la durée des repos, le temps de pause journalier…

Les ressources humaines : là encore, en cas d'embauche d'un salarié, l'agriculteur doit respecter les règles sociales en vigueur, notamment sur la durée du travail, le salaire et la qualification. « Un chef d'exploitation doit recruter des salariés avec les compétences requises pour le poste occupé. Un contrat de travail bien rédigé permet de protéger l'employeur, » explique Pierre-Alain Roussel. On conseille aussi à l'agriculteur d'adapter un programme de formation conciliant l'intérêt de l'entreprise et celui du salarié.

NICOLAS LOUIS