ELEVEUR À BAZANCOURT (OISE), FRANÇOIS BOSSY N'A PAS ATTENDU que la consommation d'énergie devienne un véritable sujet de préoccupation en agriculture pour réduire ses dépenses. Dès 2005, il s'est penché sur cette problématique, une année marquée par sa conversion à l'agriculture biologique. À cette époque, il constate qu'il a réduit au minimum ses charges opérationnelles, et particulièrement les postes engrais et concentrés. « Alors, j'ai décidé de m'attaquer aux dépenses énergétiques. D'une part pour réduire mes coûts et, d'autre part, d'un point de vue éthique pour continuer à réduire l'impact de mon activité sur l'environnement », explique-t-il.
Lorsque l'on souhaite étudier le niveau de consommation d'énergie d'une ferme herbivore, quatre postes sont généralement observés : l'électricité, les produits pétroliers, la fertilisation minérale et l'alimentation. À eux seuls, ils représentent 80 % de la consommation d'énergie. François tente de limiter ses dépenses dans chacun de ces domaines.
Pour réduire sa facture d'électricité, l'éleveur s'est équipé, il y a quatre ans, d'un chauffe eau solaire. L'investissement se chiffre à 6 400 € desquels il faut déduire deux subventions de 17 % versées par le Conseil régional et l'Ademe (Agence de l'environnement de la maîtrise de l'énergie). L'équipement comprend un ballon de 400 l et 5 m2 de capteurs solaires installés sur le toit de la stabulation.
DES CAPTEURS SOLAIRES SUR LE TOIT
« En moyenne, le chauffe-eau fonctionne l'été à 80 % au solaire et l'hiver à 20 %. Au final, je réduis ma facture de 50 %. J'économise ainsi environ 4 200 kW, soit 350 € chaque année. Le retour sur investissement est donc de sept ans. » Autre avantage : François pense que son chauffe-eau aura une durée de vie plus longue. « À l'intérieur du ballon, le calcaire se dépose plus lentement sur les résistances car elles sont moins sollicitées. » Poursuivant ses efforts pour réduire ses dépenses, l'éleveur a acheté, en début d'année, un prérefroidisseur de lait. « L'équipement m'a coûté 3 900 €. Il me permet de réduire la consommation du tank de 50 %. J'économise environ 400 € par an. » Au bout de sept à neuf ans, il compte amortir son investissement.
Sa laiterie conseille à ses producteurs d'installer un prérefroidisseur pour limiter les chocs thermiques pouvant provoquer de la lipolyse dans le lait. Elle les pousse également à s'équiper pour augmenter le temps de conservation du lait en cas de panne du tank. Le principe du prérefroidisseur est de faire circuler le lait dans un tuyau placé à l'intérieur d'un tuyau plus gros où l'on fait circuler de l'eau en sens inverse. Grâce à ce système, la température du lait est abaissée à 20 °C tandis que l'eau se réchauffe entre 15 et 18 °C. Environ 500 l sont ainsi produits lors de chaque traite. L'hiver, cette eau tiède sert à l'abreuvement des animaux qui l'apprécient particulièrement. Le reste de l'année, elle est redirigée vers le surpresseur. Cet équipement sert à nettoyer les quais de la salle de traite. Il est approvisionné également par l'eau de nettoyage de l'installation de traite (les deuxième et troisième cycles). « Près de 300 l sont recyclés chaque jour, ce qui représente 100 m3 sur un an. Cela me permet de limiter les quantités d'effluents à épandre, donc de réduire ma consommation de fioul. »
S'il voulait aller plus loin pour baisser ses dépenses d'électricité, François pourrait installer les ventilateurs du tank à l'extérieur de la laiterie pour éviter de réchauffer le local. Pour le moment, il se contente de laisser la porte ouverte pour aérer la laiterie. Et tous les six mois, il prend soin de nettoyer les ventilateurs avec son compresseur pour éviter qu'ils s'encrassent.
Après l'électricité, le fioul représente le second poste de dépenses en énergie direct d'un élevage laitier. Dans ce domaine, l'effort le plus visible de François pour réduire sa consommation est l'utilisation d'huile de colza dans ses tracteurs. Chaque année, il presse 10 t de graines pour fabriquer du tourteau. Le pressage lui permet d'obtenir 4 000 l d'huile. Pour éviter d'encrasser les moteurs, l'hiver, seuls les tracteurs utilisés pour de gros travaux reçoivent un mélange d'huile limité à 20 %. Et l'été, tous les tracteurs reçoivent entre 20 et 30 % d'huile. « Même si l'idéal est d'installer un second réservoir sur les tracteurs, l'avantage de cette technique est qu'il n'est pas nécessaire d'investir dans des équipements supplémentaires pour mettre en place cette pratique. »
Le système fourrager mis en place par François est également un point fort pour limiter sa consommation de carburants. Depuis l'arrêt de la culture du maïs, ses terres sont plus faciles à travailler et il estime réduire sa consommation de fioul de 20 % lorsqu'il laboure une parcelle.
LE NON-LABOUR EN RÉFLEXION
« Je suis en réflexion pour simplifier le travail du sol et cesser le labour. Ma crainte est de ne pas réussir à maîtriser les mauvaises herbes. Si je souhaite changer de pratique, je vais devoir investir dans de nouveaux matériels du sol. » L'éleveur est également soucieux de ne pas travailler avec un régime moteur supérieur à 2 000 tr/min, trop gourmand en carburant.
En matière de distribution des fourrages, les dépenses de carburants sont également au minimum. « Au cornadis, l'enrubannage est distribué avec une dérouleuse, tandis que le foin est étalé à la main. Même si cette dernière tâche est pénible à réaliser, cela m'évite d'investir dans une mélangeuse. »
Seul bémol dans son système : le séchoir à balles rondes. Il se révèle gourmand en fioul, surtout les années humides. « Le principe est de chauffer les balles pour réduire d'environ quinze points la matière sèche du foin en une journée. Cet équipement consomme davantage qu'un séchoir en vrac, mais je ne suis pas près de le remplacer car l'investissement est trop lourd. »
L'alimentation et la fertilisation représentent les deux postes de consommation d'énergie indirecte d'une exploitation laitière. Là encore, François tire avantage de son système bio 100 % autonome. Concernant la fertilisation, sa consommation est réduite à néant, puisqu'il n'épand aucun engrais sur ses terres. L'éleveur apporte 10 tMS/ha de fumier sur ses prairies et 15 tMS avant l'implantation d'une céréale. Prochainement, il compte investir dans un système d'aspersion pour épandre le lisier de sa fosse sur ses prairies. D'une capacité de 230 m3, elle récupère les jus de la fumière et les eaux de la salle de traite. Sur le plan alimentaire, François limite les quantités de concentrés à 2 à 3 kg/VL/jour. Cela représente un total de 700 à 800 kg de concentrés/VL/an. Les vaches sont conduites sur des prairies temporaires à base de ray-grass et trèfl e blanc. La récolte est réalisée sous forme de foin ou d'enrubannage.
NICOLAS LOUIS