SITUÉE À BEUSSENT, DANS LE PAS-DE-CALAIS, L'EARL DES SOURCES est entrée dans un groupement d'employeurs en 2005. « À cette époque, précise Xavier Merlin, associé avec sa femme Catherine, nos conditions de travail étaient difficiles. Depuis deux ans, nous venions de reprendre la ferme de mes beaux-parents, qui comprenait 50 ha de terres et 90 000 l de lait. La traite était faite dans une étable entravée et nous avions le projet de construire une stabulation paillée avec une salle de traite et des silos.
Pour faire des économies, nous voulions réaliser une part d'autoconstruction, mais nous manquions de main-d'oeuvre. » L'éleveur a alors assisté à une réunion d'information, organisée par la chambre d'agriculture, sur l'embauche d'un salarié par l'intermédiaire d'un groupement d'employeurs. Cette formule l'a séduit. Naturellement, un noyau de cinq agriculteurs s'est formé pour créer un nouveau groupement. Situés dans un rayon d'environ 6 km, quatre d'entre eux avaient l'habitude de travailler ensemble puisqu'ils adhéraient à la même Cuma.
Dans un premier temps, chaque exploitant s'est engagé sur un nombre d'heures d'embauche du salarié pour une période d'un an. Chacun a dû fixer des périodes d'embauche fixes dans l'année pour réaliser un calendrier prévisionnel de travail. L'objectif était d'atteindre 1 600 h de travail, bien réparties, pour embaucher un salarié à temps complet.
« NOUS N'AVONS PAS TOUS LES MÊMES PRATIQUES DE TRAVAIL »
Dans ce groupe, tous les agriculteurs ont un atelier laitier. Mais cette situation n'empêche pas une certaine complémentarité car aucun ne souhaite déléguer la traite des vaches. « Nous cherchions une personne pour réaliser le travail de saison dans les champs. Au sein du groupe, nous n'avons pas tous les mêmespratiques de travail du sol. Par exemple, l'un des membres utilise la technique du non-labour et sème plus tôt ses cultures. Nous n'avons pas toujours besoin d'un complément de main-d'oeuvre aux mêmes périodes. »
Une fois les besoins et les attentes de chacun définis, ces cinq agriculteurs se sont mis à la recherche de leur futur salarié. Ils ont fait fonctionner leur réseau de connaissances et ont reçu plusieurs candidatures. Ensuite, ils ont réalisé une première sélection, puis organisé des entretiens d'embauche. « Nous n'avons pas retenu un candidat qui préférait le travail autour des animaux. Une autre personne a été écartée, car elle avait un projet d'installation au bout d'un an. Nous avons choisi Quentin car son profil correspondait auposte. Ce jeune homme aimait les travaux des champs. »
Le groupement d'employeurs des Monts et Vallées a alors vu le jour. Il fonctionne avec le statut d'une association de loi 1901. Xavier a endossé la casquette de président. Son rôle est d'animer le groupe. Cela consiste principalement à établir le planning de travail du salarié. Deux autres agriculteurs du groupement ont été nommés respectivement secrétaire et trésorier de l'association. Ce dernier a pour rôle de gérer le compte bancaire et d'établir les feuilles de paie. Ici, elles sont réalisées par un centre de gestion.
Sur le plan administratif, le fonctionnement du groupement est extrêmement simple. Selon le nombre d'heures d'embauche du salarié établi en début d'année, chaque agriculteur effectue un virement mensuel sur le compte bancaire de l'association. « La première année, j'avais décidé d'embaucher Quentin 520 h/an. Le salarié coûte 13,50 €/h, je versais donc 585 E chaque mois à l'association. Ensuite, en fin d'année, je reçois une facture à payer avec la régularisation en fonction du nombre d'heures réellement effectuées par le salarié. »
De l'autre côté, Quentin ne reçoit qu'une seule fiche de paie établie par le groupement, qui est son unique employeur. Comme dans toute association, les adhérents organisent chaque année leur assemblée générale. L'un des objectifs de ce rendez-vous est d'établir le calendrier de travail du salarié pour l'année qui vient. Fin 2006, deux agriculteurs du groupe ont baissé le nombre d'heures du salarié. Le groupement s'est alors mis à la recherche d'un autre adhérent pour que Quentin continue à travailler à temps complet. Un sixième agriculteur est entré dans l'association début 2007. Pour Catherine et Xavier, le salarié est devenu une ressource importante sur leur exploitation. « Au début, il nous a permis de réaliser une part d'autoconstruction de notre bâtiment pour les laitières. Depuis que le troupeau s'est installé dans la stabulation et que nous trayons dans la salle de traite, j'emploie Quentin environ 300 h/an. »
Son travail consiste à réaliser les travaux des champs : préparation et semis de maïs, de céréales, moissons, ensilages… L'éleveur profite également de sa présence pour réaliser certaines tâches qu'il ne peut pas assumer seul. C'est le cas par exemple de la contention des animaux, du curage des bâtiments, des travaux de clôtures ou d'élagage des haies…
« UNE SÉCURITÉ EN CAS DE PROBLÈME DE SANTÉ »
L'hiver, Quentin participe également à l'alimentation du troupeau et au paillage des litières. Il s'occupe également de l'entretien du matériel. Ce supplément de main-d'oeuvre apporte de la sécurité à l'exploitation. En 2005, Xavier s'est retrouvé dans l'incapacité d'assurer son travail durant six semaines à cause d'un problème de santé. Grâce à sa polyvalence, Quentin est venu le remplacer et assurer le travail d'astreinte. « Dans ce cas, les autres agriculteurs du groupement sont solidaires pour libérer le salarié. » Aujourd'hui, l'éleveur estime que ce salarié est devenu un vrai partenaire dans son exploitation. Il peut lui faire découvrir différentes méthodes de travail qu'il recontre chez les autres agriculteurs du groupe.
Quentin entame sa cinquième année de travail dans ce groupement. Il trouve plusieurs avantages à travailler pour différents employeurs en même temps. « C'est très formateur et cela me permet d'acquérir une solide expérience. J'ai l'occasion de travailler avec différents types de matériel et je peux ainsi les comparer entre eux », confie le salarié. Autre avantage à mettre en avant : le fait de travailler dans un groupement le rend moins dépendant au risque d'être licencié par un seul employeur. En terme d'organisation, le salarié annualise son temps. L'hiver, il ne travaille que quatre jours par semaine. Cette formule lui convient et lui permet d'avoir un salaire fixe chaque mois quel que soit le nombre d'heures travaillées. Chaque jour, il pointe ses heures sur un carnet. Et depuis quelques mois, il gère lui-même son calendrier de travail. Un mode d'organisation qui fonctionne bien. Malgré tout, Xavier reste vigilant sur ce point. « Il est important que chaque agriculteur du groupe l'embauche à période fixe comme convenu en début d'année, et pas seulement à la carte. »
L'éleveur reste convaincu que la mécanisation ne peut pas, à elle seule, résoudre tous les problèmes de main-d'oeuvre. Il compte bien poursuivre sa collaboration avec Quentin pendant encore de nombreuses années.
NICOLAS LOUIS