Alimentation« Gérer la lutte nutritionnelle contre le stress thermique »

L’accélération respiratoire, les pertes accrues en sodium et potassium et la moindre consommation de fibres due au tri augmentent considérablement le risque d’acidose. D. G.
L’accélération respiratoire, les pertes accrues en sodium et potassium et la moindre consommation de fibres due au tri augmentent considérablement le risque d’acidose. D. G. (©D. G.)

Michel Vagneur, vétérinaire­ nutritionniste, énumère les stratégies de lutte à mettre en place afin de tenir la production et se prémunir d’ennuis ­sanitaires très pénalisants.

« Le stress thermique chez la vache laitière commence dès 20 °C, il est notable à 25 °C et majeur à 30 °C, avec des effets aggravés par l’humidité. On observe d’abord une hyperthermie, une accélération respiratoire, davantage de transpiration, une baisse de l’ingestion, et une baisse de la production qui peut atteindre 30 % », explique Michel Vagneur.

Si le confort thermique dans le bâtiment est une priorité, la nutrition joue un rôle important afin de minimiser les impacts négatifs de ce stress. Offrir une eau fraîche (idéalement à 10 °C) et propre près des points d’alimentation et de la salle de traite constitue, à l’évidence, la base. « Mais avez-vous une largeur totale d’abreuvoirs suffisante (20-25 cm par vache), et un débit adapté ? Les prises d’eau sont très importantes pendant les épisodes de chaleur. À 25 °C, une vache en lactation consomme 120 à 140 litres par jour, et jusqu’à 200 litres à 30 °C. »

Bicarbonate, minéraux, ­levures vivantes et niacine

Aux rations peu humides (plus de 40 % de MS), le vétérinaire conseille d’ajouter de l’eau, environ 5 litres par vache. Cela limite également le tri à l’auge. Car soumise au stress thermique, la vache a tendance à moins consommer la partie fibreuse de la ration, de façon à ralentir la production de chaleur par le rumen (extra-chaleur). « Il faut intervenir sur plusieurs points pour limiter cette baisse de consommation : distribuer la ration le soir plutôt que le matin, de façon que l’extra-chaleur soit produite pendant les heures les plus fraîches. Il est important aussi de fractionner les repas et d’apporter des fibres courtes, de type luzerne déshydratée en brins, qui seront mieux consommées. » Car le risque d’acidose ruminale est beaucoup plus élevé en période de stress thermique.

Il se caractérise souvent par une baisse très nette du TB. « Plusieurs facteurs concourent à l’acidose, explique Michel Vagneur. La consommation de fibres diminuée, bien sûr, mais aussi une baisse de la rumination, car l’animal reste debout plus longtemps dans le but d’évacuer la chaleur. En outre, l’accélération respiratoire amène l’animal à éliminer beaucoup de CO2. Le taux de CO2 sanguin diminue, ce qui entraîne une baisse du bicarbonate sanguin, donc du pouvoir tampon de la salive. Ce dernier est aussi affecté par les pertes plus importantes de sodium et de potassium par la sueur et les urines. » Il conseille un apport de bicarbonate de sodium (250 g/VL), de sel (30 à 50 g) et de chlorure de potassium (pour obtenir 1,5 % de potassium sur la ration totale).

« L’apport de levures vivantes est aussi conseillé, ajoute le vétérinaire, afin de limiter la baisse du pH et la production de lactate dans le rumen, en synergie avec le bicarbonate. Enfin, une complémentation en niacine (vitamine B3) servira à augmenter la vasodilatation et à diminuer la température corporelle. »

L’ajout de matière grasse protégée en période de stress thermique a-t-il un intérêt, pour améliorer l’efficience énergétique de la ration sans ajouter trop de volume ? « C’est une stratégie à évaluer au cas par cas, selon les objectifs de l’éleveur et en tenant compte des cahiers des charges (bio, AOP), du coût et de l’impact environnemental. »

Porter une grande attention aux vaches taries

Outre l’alimentation, Michel Vagneur insiste sur une vigilance accrue vis-à-vis de l’hygiène en période de canicule. Les animaux se regroupent dans les zones les plus fraîches ou autour du point d’eau, et cette concentration est propice au développement des maladies infectieuses du fait de l’augmentation du microbisme (mammites). Autre risque à surveiller : l’échauffement du front d’attaque des silos et de la ration à l’auge, car il peut aggraver la baisse de l’ingestion.

« J’insiste sur la sensibilité des vaches taries au stress, il faut absolument les protéger. À défaut, on s’expose à des ennuis en cascade après le vêlage : veaux plus fragiles, colostrum de mauvaise qualité, mammites, baisse de production, etc. », conclut Michel Vagneur.

Dominique Grémy

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