C’est bien connu désormais : à partir de 22 °C, les vaches laitières sont en stress thermique. Elles fournissent des efforts d’adaptation à la chaleur. Leur fréquence respiratoire augmente pour lutter contre l’élévation de leur température corporelle. Autre réaction qui traduit leur stress thermique : elles restent debout afin d’exposer leurs flancs au courant d’air. Elles évacuent ainsi l’humidité à la surface de leur peau et se rafraîchissent. Ce n’est pas sans conséquences zootechniques. Elles se déplacent moins pour aller manger et boire et se reposent moins. Leurs aplombs souffrent. Leur ingestion diminue. Leur temps de rumination raccourcit. Leur salivation baisse. La machine s’emballe : baisse de production de 3 à 9 kg de lait/vache/jour, fatigue, mammites, problèmes de « repro », etc. L’infographie ci-contre vous donne les repères pour diagnostiquer les vaches en souffrance. Ce scénario est devenu un classique des étés français, y compris à la pointe de la Bretagne, de la Manche ou dans le Nord. Les canicules à répétition révèlent que les bâtiments laitiers français ne sont pas adaptés à ce changement climatique. Ils sont conçus pour gérer en premier lieu les intempéries l’hiver. Leur ventilation est élaborée pour éliminer la vapeur d’eau dégagée par la respiration des animaux mais sans dépasser 0,5 à 1 m/s de vitesse d’air au niveau de l’animal, sinon la température ressentie par la vache chute. La majorité des bâtiments sont en ventilation par effet vent : les vents font pression sur un des longs-pans ; une dépression sur l’autre favorise un balayage transversal de la stabulation. La contrepartie de ces bâtiments fermés à semi-fermés est de devoir poser des plaques translucides dans la toiture pour apporter de la luminosité en hiver… créant, dès lors, un four durant les fortes chaleurs estivales.
Répondre aux besoins opposés de l’hiver et de l’été
À partir de 20 élevages laitiers expertisés, dans le cadre des travaux du Cniel, l’Institut de l’élevage évalue à 5 °C en plus la température sous une toiture translucide exposée au sud. Il s’agit d’une température ressentie par la vache laitière. À ces besoins hivernaux s’opposent la nécessité d’un rayonnement limité en été et d’ouvertures en partie basse, sur le flanc de la vache. On évacue ainsi l’humidité à la surface de sa peau et on la rafraîchit. « Dans les régions côtières ou d’altitude, la baisse des températures la nuit, en dessous de 22 °C, permet aux vaches de récupérer, observe Bertrand Fagoo, de l’Institut de l’élevage. En revanche, là où les jours et nuits chaudes s’enchaînent, comme en Alsace ou Rhône-Alpes, il convient d’agir. » Cela signifie de passer en revue la conduite du troupeau (encadré), de réduire le rayonnement et d’améliorer la ventilation naturelle. « C’est seulement ensuite que l’on pourra réfléchir à une ventilation mécanique pour évacuer la chaleur et créer une vitesse d’air supérieure à 1 m/s au niveau de l’animal. » Les bâtiments laitiers français doivent évoluer pour faire le grand écart entre des besoins hivernaux et estivaux contradictoires.
Quatre solutions pour ne pas transformer son bâtiment en four
Cela passe par la réduction du rayonnement dans la stabulation laitière mais également dans les bâtiments des génisses et vaches taries, car, elles aussi, ne l’oublions pas, supportent mal les fortes chaleurs. Pour y arriver, l’Institut de l’élevage identifie quatre solutions techniques.
Proscrire les plaques translucides. Cela concerne notamment celles au-dessus des zones de couchage et de l’alimentation. Quand elles sont là, il faut faire avec. Idele propose donc de les blanchir avec une peinture ombrageante à base de chaux utilisée pour les serres et les tunnels en horticulture-maraîchage. « L’objectif est de laisser passer la lumière, pas la chaleur, pour éviter un effet de serre, indique Bertrand Fagoo. Mais attention à la sécurité des personnes s’il est décidé de les peindre. » Si vous êtes en projet de construction, il faut les proscrire ou au moins les éviter sur les rampants orientés sud-est, sud et sud-ouest. « Il faut a minima également les éviter sur les façades et pignons sud-est, sud et sud-ouest », ajoute Bertrand Fagoo. À noter que des translucides isolés arrivent sur le marché, dont il reste à évaluer le coût.
I soler la toiture. Dans les bâtiments à toiture basse, l’isolation des rampants complète les mesures prises sur les translucides. « On gagne 1 °C à 2 °C de température ressentie par la vache et jusqu’à 5 °C dans les zones diagnostiquées à stress thermique élevé. L’isolation seule du rampant sud peut être envisagée si l’on souhaite limiter les coûts, d’environ 20 à 30 € le mètre carré de surface au sol. »
Abaisser les murs. Si vous êtes en cours de construction, ayez également à l’esprit que les murs de parpaing sont conducteurs de chaleur. Pour Idele, il faut abaisser les hauteurs de maçonnerie à un maximum de 60 cm à proximité des laitières (rangée de logettes face au mur en particulier), surtout si le mur est situé au sud et à l’ouest.
S’adapter à la course du soleil. La maîtrise de l’entrée du soleil dans le bâtiment est la quatrième solution technique efficace. Les rideaux amovibles y participent. Il faut les ouvrir le plus possible, sauf lorsqu’ils engendrent un rayonnement à l’intérieur du bâtiment, et les choisir de couleur claire pour réfléchir les rayons. À noter que c’est une solution relativement onéreuse : 65 € à 140 € le m² selon le type de produit et la complexité de l’enroulement. « À l’inverse, les ouvrir la nuit rafraîchira le bâtiment », dit Bertrand Fagoo. Au sud, un débord de toiture fera de l’ombre et évitera le rayonnement direct.
Ouvrir plus l’été, mais sans chaleur supplémentaire
La réduction du rayonnement n’est pas suffisante contre le stress thermique. Elle doit être menée de front avec l’amélioration de la ventilation. « Avant d’envisager la ventilation mécanique, il faut au maximum privilégier la ventilation naturelle, gratuite », insiste-t-il. Cela veut dire des ouvertures au niveau des animaux par des rideaux amovibles qui s’ouvrent soit jusqu’en bas de la façade soit à partir du bas, par des volets, par des bardages coulissants ou démontables, etc. « Il existe une palette de solutions modulables qui aménagent des entrées d’air libre. Elles augmentent sa vitesse sans apporter de la chaleur supplémentaire l’été. Dans tous les cas, il faut ouvrir davantage que ce que l’on a fait jusqu’à présent, mais sans rayonnement ! » Faut-il aller jusqu’à ouvrir les quatre façades ? « La première règle est de s’adapter à la topographie du site et au climat local, répond l’expert en bâtiments. La priorité est une implantation exposée aux vents les plus fréquents. » La deuxième règle est une largeur de bâtiment de 20 à 25 m au maximum pour favoriser son balayage (ventilation par effet vent). Une règle que les troupeaux plus grands rendent compliquée à respecter. « Dans ce cas, on peut décaler des toitures ou accoler deux ou trois constructions bi-pentes avec des décalages intermédiaires entre elles. Ce n’est pas nouveau dans le paysage français, mais ce sont des conceptions qui sont amenées à se développer. »
Sommaire
Ouvrez, aérez et donnez du souffle à vos coûts
- Ouvrez, aérez et donnez du souffle à vos coûts
- « Nous avons choisi la litière de miscanthus malaxé »
- « De la ventilation naturelle pour maîtriser les coûts »
- « Nous avons construit au milieu des pâtures »
- Gérer le stress thermique en bâtime nt : les connaissances se précisent
- « Une stabulation d’abord conçue pour les vaches »