Le Plan stratégique national (PSN), déclinaison hexagonale de la Pac à venir, est toujours en préparation au ministère. Il devrait être bouclé avant l’été. De quoi parle-t-on aujourd’hui ? Essentiellement du premier pilier et de ces très convoitées aides directes. Les premières hypothèses avancées ont fait sortir tous les tracteurs de France. Car il faut se partager le gâteau et chacun veut la meilleure part. Plus généralement, deux postures s’opposent concernant cette Pac. D’un côté, les partisans d’un virage agroécologique marqué : Confédération paysanne, Fnab, avec le soutien des associations dont le discours, admettons-le, répond aux attentes de la société. À l’opposé, le syndicalisme majoritaire affiche sa crainte des pertes de revenus et de compétitivité. Et les céréaliers se sentent particulièrement menacés. Tout cela dans le flou le plus total car rien n’est encore tranché à Bruxelles, où s’affrontent les positions du Conseil, du Parlement et de la Commission sur le partage des aides, et surtout sur l’ambition du verdissement.
L’épouvantail des éco-régimes
En France, un premier clivage concerne le degré de rééquilibrage des aides découplées (paiements de base) : convergence à 85 %, ou à 100 % (nous ne sommes qu’à 70 %) ? Pour le paiement redistributif, qui réattribue aux premiers hectares, deux propositions : rester à 10 % du budget, ou passer à 20 % ? Sur les 63 premiers ha, ou les 52 ? La refonte des aides couplées a aussi beaucoup divisé, surtout dans le Massif central. La volonté de majorer à 4 % le soutien aux protéines végétales obligera à rogner sur les aides à l’élevage, qui seraient délivrées à l’UGB. Cette hypothèse semble faire son chemin, et est applaudie par la FNPL, mais irrite les éleveurs allaitants. Ces derniers pourront-ils se rattraper sur les légumineuses fourragères ou les éco-régimes ? À suivre.
Ces éco-régimes, qui représenteront 20 à 30 % du premier pilier (Bruxelles, là encore, n’a pas tranché), alimentent toutes les craintes. Les « environnementalistes » les voudraient très ambitieux et sélectifs, les autres accessibles au plus grand nombre et, dans l’idéal, sans rien changer. Le ministre semble avoir penché pour cette voie, qui annonce que « ces aides seraient accessibles à 75 % des agriculteurs ». Quid des 25 % restants, qui ne se voient pas partir dans la démarche HVE ni transformer davantage de leur SAU en IAE (infrastructure agroécologique) ? Rappelons que ces éco-régimes doivent aller au-delà de la conditionnalité renforcée (IAE, diversité de l’assolement) et que celle-ci n’est toujours pas définie à Bruxelles.
Le principe d’équilibre global
Le deuxième pilier de la Pac sera un autre morceau à négocier. Là aussi le seuil des dépenses environnementales dans le budget total sera au centre des débats. Parlement et Conseil ont des ambitions différentes. Les partisans d’une Pac plus verte souhaiteraient un taux de transfert de fonds plus important du premier pilier vers le second, en ponctionnant les paiements directs. À ce stade, le ministère maintiendrait le taux actuel de 7,53 %. Comme le dit le cabinet du ministre, « c’est l’équilibre global qui, au final, donnera le sens de cette réforme ». Bien malin qui peut dire où se placera le curseur du verdissement. Pas assez loin pour les uns, trop pour les autres, c’est certain.