Herdect : la pousse de l’herbe bientôt mesurée par satellite
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Innovation. Connaître la hauteur et la quantité d’herbe disponible sur une parcelle à partir de photos satellitaires, voilà l’objectif de Herdect, un modèle prédictif encore en cours de développement, mais déjà prometteur.
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«Une bonne valorisation de l’herbe par le pâturage requiert un suivi très régulier des parcelles, principalement au printemps, rappelle Alain Airiaud, responsable du pôle prairies à la chambre d’agriculture des Pays de la Loire. Actuellement, le seul outil vraiment précis reste l’herbomètre. Mais si l’éleveur veut obtenir des résultats fiables, il doit en principe parcourir l’ensemble de la parcelle et prendre une centaine de points de mesure par hectare. Dans les faits, très peu d’agriculteurs le font, car cette stratégie s’avère très chronophage. Soit ils n’effectuent qu’un petit nombre de relevés, soit ils renoncent complètement aux mesures préférant une estimation visuelle. Dans les deux cas, les résultats sont moins précis et la pousse printanière, pourtant précieuse et abondante, n’est pas toujours optimisée. »
Alternative à l’herbomètre
C’est à partir de ce constat qu’est né le projet Herdect. Ce programme a vu le jour en 2017 autour de plusieurs partenaires (lire l’encadré). L’idée était de trouver un outil alternatif à l’herbomètre, tout en conservant le même niveau de précision. Le traitement d’images par télédétection est rapidement apparu comme une solution prometteuse. Pour des raisons de coût, les clichés obtenus par satellites ont été préférés à ceux pris par un drone. Le système analyse les longueurs d’ondes lumineuses renvoyées par la végétation. En parallèle, une équipe de la chambre d’agriculture des Pays de la Loire a effectué sur le terrain des mesures de biomasse et de hauteur d’herbe. « Une corrélation a été établie entre les indices de longueurs d’ondes relevés sur les photos satellitaires et les résultats obtenus aux champs, souligne Marc Fougere, le responsable des fermes expérimentales des Pays de la Loire. Pour la hauteur d’herbe par exemple, le modèle prédit une valeur souvent très proche de la réalité. La marge d’erreur est en général d’à peine 2 centimètres : une précision acceptable, d’autant que sur un ensemble de parcelles à des stades différents, le modèle les classe généralement dans le bon ordre. »
Nouveaux tests en 2021
Les tests ont montré que le système donnait de bons résultats sur pratiquement tous les types de prairies, y compris les mélanges de plusieurs espèces. Pour les parcelles contenant de la chicorée, des erreurs ont toutefois été relevées. Il semblerait que cette plante, qui a tendance à monter rapidement, ne soit pas correctement prise en compte dans les estimations de production.
Herdect est encore en phase de développement. Il a été expérimenté cette année par une vingtaine d’éleveurs, et le groupe devrait être élargi au printemps 2021 pour de nouveaux tests. Sur la version actuelle de l’application, l’agriculteur indique les parcelles à surveiller. Quand le satellite balaie la zone, le modèle classe chaque champ dans cinq catégories de hauteur d’herbe allant de très faible à trop importante. Les résultats sont matérialisés par un jeu de couleurs bien visibles à l’écran. L’éleveur indique aussi le nombre de vaches laitières devant pâturer sur ces parcelles, leur niveau de production et la quantité de fourrage qu’il compte distribuer à l’auge dans les jours à venir. En fonction de ces paramètres, l’application calcule le nombre de jours de pâturage d’avance. « L’idéal est de disposer d’une dizaine de jours devant soi, rappelle Marc Fougere. Au-delà, l’éleveur a tout intérêt à faucher les parcelles les plus avancées. L’application recalcule automatiquement l’impact du décrochage d’une parcelle sur le stock fourrager disponible. En modulant les apports à l’auge, l’éleveur estime également si la fermeture du silo est envisageable ou non. »
Les nuages empêchent la prise de photos
La prise de clichés est assurée par deux satellites nommés Sentinel 2A et 2B. Ils passent régulièrement au même endroit tous les cinq jours en balayant des couloirs parallèles. Les secteurs se trouvant sur la zone de recoupement de couloirs voisins sont couverts deux fois plus souvent. En théorie, un intervalle de cinq jours est suffisant pour assurer un suivi très précis de la pousse de l’herbe. Mais parfois, la présence de nuages empêche la prise de photos et rend impossible toute mesure.
Cette année par exemple, entre le 2 mars et 12 mai, les satellites sont passés 29 fois au-dessus de la ferme expérimentale de Derval, en Loire-Atlantique, mais seulement sept clichés ont pu être exploités. « C’est une des limites de cet outil, confesse Alain Airiaud. Lorsqu’il nous manque une photo, le système remplace les données manquantes par des valeurs calculées à partir du passage précédent en tenant compte de l’ensoleillement et de la pluviométrie. Si les nuages perturbent plusieurs passages successifs, les valeurs seront de moins en moins précises. Il faudra en tenir compte notamment quand l’application sera ouverte à tous les éleveurs. »
Le lancement commercial de l’outil n’a pas encore été fixé pour le moment. Le prix de vente non plus. Les concepteurs estiment qu’un tarif proche de 20 €/ha/an serait acceptable pour les éleveurs compte tenu de la plus-value engendrée par l’optimisation de la gestion de leur herbe.